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Le Clan des Mages

                                 extrait

1 - Le Clan

 

​   The Conference Center, city of Trenton, New Jersey.

 

  L'heure était grave, l'assistance tendue. Le conférencier, Thomas Tacowitch, révélait l'existence d'un ennemi dangereux, sournois, puissant  : les créatures surnaturelles. Ce n'était pas des légendes, elles existaient bel et bien. Avec son visage ouvert, son sourire chaleureux, le quadragénaire persuadait facilement. Il avait l'air honnête, inoffensif. Et pourtant, il s'agissait d'un mage puissant, voué à la destruction des ennemis de l'espèce humaine.Sur l'écran défilait une série de vidéos montrant des attaques perpétrées par les monstres. Les images étaient floues, tournées de loin la nuit. On y voyait des silhouettes se déplaçant à vitesse surhumaine se précipiter sur des malheureux et leur fracasser le crâne d'un coup de poing. Des hommes à tête de loup égorgeaient des jeunes joggeuses. Des monstres pâles aux yeux rouges plantaient des crocs démesurés dans la gorge de petits enfants qui hurlaient de terreur. Il aurait tout aussi bien pu s'agir de trucages, mais l'assistance grondait de colère sans se poser de questions. Car ces hommes et ces femmes triés sur le volet vivaient dans la haine des autres. Les propos du conférencier ne faisaient qu'ajouter de l'eau au moulin de leur détestation. Ils avaient été contactés secrètement pour s'engager dans un mouvement international de défense de l'espèce humaine. Thomas Tacowitch avait nommé son alliance le Clan.

     Une certaine Sally Larotte, jeune Française aux cheveux d'un roux artificiel en chignon, prenait des notes nerveusement, histoire de se donner contenance. Elle était habillée de manière stricte d'un tailleur marine sur chemisier clair et portait des escarpins noirs. Par quel coup du sort avait-elle atterri dans cette assemblée de fous  ? En fait, elle était envoyée par la Direction de la Surveillance du Territoire. La hiérarchie avait considéré que cette secte secrète était trop farfelue pour faire perdre le temps d'un agent d'importance et y avait introduit une sous-fifre par acquit de conscience.

     «  Ils sont parmi nous  !  » clamait Tacowitch. «  Les loups-garous, les sorcières, les vampires  ! Et petit à petit, ils se reproduisent, et nous éliminent car leur but est de dominer notre planète  ». Un représentant de l'Ontario leva la main.

– Est-ce qu'ils pourraient être responsables des disparitions d'enfants inexpliquées  ?

– Une bonne partie, confirma le conférencier.

– Ils les mangent  ? demanda une Pakistanaise en anglais.

– Parfois.

     Une grande femme noire aux cheveux ras, assise au premier rang, se leva. Elle avait un visage magnifique, fin et arrogant, et parlait la langue de Shakespeare en roulant les «  r  ».

– Ils peuvent aussi en faire des hybrides par morsure, s'il s'agit des garous. Ils se reproduisent donc non seulement en faisant des portées, mais en transformant les nôtres. Il faut intervenir avant qu'ils nous détruisent tous.

– Qui êtes-vous  ? demanda un policier du New Jersey, venu en uniforme.

– Je m'appelle Salomé Diandala, lâcha la femme, du bout des lèvres. Je viens d'Europe de l'Est. Je suis la numéro 2 du Clan.

– En admettant que ce danger soit réel, fit un Japonais nationaliste extrémiste, que peut-on faire  ?

– Il faut nous signaler toute personne suspecte à ce numéro.

La diapo suivante de son PowerPoint afficha une série de chiffres. Thomas continua de sa voix charismatique  :

– Vous pouvez nous joindre de n'importe où dans le monde. Il s'agit d'une ligne satellite qui nous retransmettra vos informations, où que nous soyons sur la planète. Alors, notre élite interviendra en toute discrétion et éliminera la menace.

– C'est bien légal, ça  ? demanda Sally Larotte avec un accent français à couper au couteau. (Iz it really légal, zat  ?)

– À votre avis  ? rétorqua Tacowitch avec un clin d’œil.

     Quelques ricanements retentirent. La jeune femme sourit pour donner le change et acquiesça. Les visages se tournaient vers elle, hostiles.

– Vous avez conscience que ces surnaturels sont les ennemis de notre espèce  ? demanda Salomé Diandala.

     Sally hocha la tête avec hésitation et regarda le numéro 1. Thomas Tacowitch lui souriait d'un air bienveillant. Il acceptait les petites erreurs de ses enfants. Elle rendit le sourire. Mais elle était glacée à l'intérieur. Tous ces fous avaient juré de servir la Cause. Elle jeta un coup d’œil aux visages. Ils étaient des centaines, de toutes races, de toutes nationalités. Chacun essaimerait dans son pays. Délations, assassinats. Une opération d'extermination de masse était en œuvre.

Extrait n°2

....

     La porte s'ouvrit lentement, dans un grincement qui aurait fait le bonheur d'amateurs de films d'horreur. Une silhouette haute et voûtée parut en silence sur le perron. Il s'agissait d'un homme d'une quarantaine d'années, aux cheveux bruns pendant le long d'un visage émacié. Il aurait pu être beau s'il n'avait pas paru aussi peureux et maltraité. Luna avait beaucoup discuté avec lui, et l'appréciait énormément. Il lui avait même sauvé la vie quelques mois plus tôt en clamant que le garou qu'elle combattait trichait.

– Alexandre  ! s'exclama Luna.

     Elle lui sauta au cou. L'homme se ratatina, levant le coude en protection.

– Oups  ! pardon, fit-elle. Je ne voulais pas vous faire peur. Claire, je te présente le docteur Graur. Alexandre, voici Claire. C'est ma mère.

– Une mage, alors  ?

– En effet. Elle crée des pâtisseries fameuses.

     Le grand médecin battu ne dit rien. Mais on pouvait lire sa déception. Qu'un mage perde son temps à créer des gâteaux lui paraissait inconcevable. Avec leur culture de puissance et de pouvoir, les garous ont du mal à comprendre la valeur d'une succulente mignardise à la beauté délicate.

– Entrez, fit-il. Dorothée va être heureuse que vous soyez venue.

     Il s'effaça pour laisser passer les filles.

     Un poing fracassa la mâchoire de Luna. Les étoiles dansèrent devant ses yeux tandis qu'elle tombait comme une masse.

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